Ma rencontre avec un Objet Viticole Non Identifié

Terre des amoureuses
Christophe Esclangon – Directeur Général et Jean-Michel Novelle- Œnologue-Conseil

Qu’on se le dise : un O.V.N.I. s’est posé en terres ardéchoises ! Le vaisseau mère stationne depuis 3 ans dans le sud du département. A ses manettes, des extraterrestres dont l’amour pour le vin terrien n’a d’égale que leur ouverture d’esprit.

Pendant 4 heures, j’ai passé au crible ce Domaine bien nommé « Terres des Amoureuses » : chais à barriques et à cuves, espace de stockage et de réception, laboratoire oneologique et dégustation complète de la gamme des vins. Assurément un projet ambitieux qui m’a marqué dans le présent et que je suivrai dans l’avenir.

Décryptage et analyse.

 

Une histoire née de la passion à plusieurs titres…

Alors pourquoi « Terres des Amoureuses » ? La légende du village indique que sur les terres actuelles du domaine, les couples (il)légitimes se donnaient autrefois rendez-vous pour conter fleurettes, à l’abris des regards indiscrets…

En 2011, le vigneron qui exploitait jusque-là le vignoble prend sa retraite et vend son domaine à Jean-Pierre Bedel, industriel ardéchois (PDG du groupe Fabemi). Quand il rencontre Jean-Michel Novelle, œnologue conseil international (passé notamment par l’Amérique du Sud), ils se retrouvent sur des valeurs d’innovations et de qualité. Pour connaitre Jean-Michel, je puis vous assurer que l’homme est très loin de la neutralité de sa suisse natale, tant ses convictions sont fortes en matière de vin. Je pourrais les résumer à l’exigence de qualité, au pragmatisme dans le travail, et au respect de la nature.

Le domaine a subi un véritable lifting viticole avec un rééquilibrage des sols et la construction d’une cave de hautes technologies en 2011. Aujourd’hui, l’équipe au complet se compose de 20 personnes, auquel il faut ajouter Paolo Basso comme consultant du domaine – meilleur sommelier du monde en 2013 et déjà croisé sur le blog.

 

Une mosaïque de vignes où rien n’est laissé au hasard

Le Domaine possède un outil de travail unique dans cette région baignée par la lumière. Jugez plutôt : 77 parcelles réparties sur 55 hectares, de 80 à 400 mètres d’altitude. Déjà de quoi laisser libre cours à sa créativité, non ? Ajoutez ensuite une quinzaine de cépages (locaux ou moins locaux) et vous obtenez définitivement de quoi réaliser de belles sélections parcellaires.

Le travail du sol y est important, sans produit chimique ni cuivre, à base notamment d’algues ou d’autres oligo-éléments dont la vigne est friande. Rien n’est laissé au hasard, même dans l’enherbement. Deux types d’herbe sont présentes : l’une permettant de lutter contre l’érosion des sols et l’autre permettant de retenir l’eau de pluie. Pratique pour éviter la pourriture des baies, à plus forte raison avec les précipitations importantes de ces deux derniers millésimes.

L’autre élément central dans la conduite du vignoble : c’est le choix pour le mode de « taille guyot », avec palissage sur fil de fer. Habituellement dans les Côtes du Rhône, la vigne est conduite en cordon – ou double cordon – de royat. La taille guyot, du nom du médecin bourguignon qui l’a inventé, est souvent décriée pour ses rendements « faciles » mais permet également de limiter les nécroses. Les sarments, reliés à un seul fil porteur, connaissent une meilleure circulation de la sève et un meilleur équilibre entre raisins et surface foliaire. Autre raison, celle-là plus pratique : la taille Guyot permet la mécanisation des vendanges tout en préservant l’intégrité des ceps.

Zoom sur quelques cépages du domaine : 1 – Syrah, 2- Viognier, 3- Merlot, 4- Clairette rose, 5- Carignan, 6- Roussane, 7- Mourvèdre, 8- Marsanne et 9- Grenache noir.
Zoom sur quelques cépages du domaine : 1 – Syrah, 2- Viognier, 3- Merlot, 4- Clairette rose, 5- Carignan, 6- Roussane, 7- Mourvèdre, 8- Marsanne et 9- Grenache noir.

 

Une cave d’allure… industrialo-contemporaine

photo 2Ancien nez dans le parfum, Jean-Michel Novelle m’a confié aimer créer des vins comme un parfumeur met au point des parfums. Pour cela, la protection apportée aux baies de raisins doit être absolue en cave.

Le Domaine Terres des Amoureuses a ainsi investi dans une sélection ultra-exigeante des vendanges grâce à une machine « Tribaie ». Celle-ci permet de trier chaque baie en fonction de sa richesse en sucres grâce à un bain densimétrique. Les baies toujours entières sont ensuite transportées sur une bande de transport, supprimant tout pompage et préservant idéalement la qualité du raisin.

 photo 3Ce que je retiens également de ma visite, c’est la soixantaine de cuves inox qui permet de vinifier en sélection parcellaires avec une grande marge de manœuvre, ou encore le chai de 500 barriques avec un contrôle permanent de l’hygrométrie.

Enfin, une machine permet de désalcooliser partiellement le vin par la combinaison de deux procédés. Tout d’abord, l’osmose inverse produit un « perméat » comprenant l’alcool naturel du vin. Il est ensuite distillé pour être réintégré au vin après désalcoolisation et refroidissement. Au final, on obtient des vins plus frais et avec une élégante puissance – ce qui correspond assez bien à l’évolution générale de la demande des consommateurs.

Des terres amoureuses…mais aussi rebelles !

Première étape dans la construction du projet : renoncer provisoirement à la sacro-sainte appellation des Côtes du Rhône, à laquelle le domaine pouvait naturellement prétendre du fait de sa localisation. Volontairement, les vins ont été déclassés en IGP Méditerranée (plus vendeuse que l’IGP Ardèche). La situation peut cependant évoluer : il n’est pas inimaginable que les règles de l’AOC bougent après étude des travaux réalisés sur le vignoble et de leur impact sur la qualité des vins.

Le gain en liberté est énorme en attendant : choix des cépages, des modes de conduite de la vigne, des techniques de vinification, etc. En revanche, le revers de la médaille est la perte en lisibilité et confiance auprès d’un public non averti (indifféremment professionnel comme particulier d’ailleurs). Le prix à payer pour la liberté, en somme.

 

Place à la dégustation maintenant !

photo 5
Ma dégustation avec Jean-Michel Novelle

Confortablement installé dans l’espace de dégustation et tout aussi bien accompagné de Jean-Michel Novelle, j’ai testé pour vous la gamme de Terres des Amoureuses : 2 rosés, 1 clairet, 3 blancs et 3 rouges. Le trait commun aux vins se résume dans le tryptique pureté, aromatique et fraîcheur.

Vraiment des vins haut de gamme destinés à la gastronomie. Alors bien sûr le bon vin a évidemment un coût détaillé tout au long de cet article, lequel induit un prix.

Comptez de 10 à 20€ pour les rosés, de 16 à 53€ pour les blancs et 8 à 48€ pour les rouges.

Ce n’est certes pas donné, mais pourquoi donner ce qui a de la valeur ? Pourquoi ne pas payer le travail, et rendre ainsi ce projet durable ?

Quelques mots maintenant par couleur et commençons par les rosés : Loverose 2013 et Rosé Vintage 2012, qui se remarquent par leur équilibre et leur pureté aromatique. Le premier, issu de grenache, séduit par la fraîcheur de ses notes fruitées (framboise, mangue, pêches). Le second est plus complexe avec son assemblage de grenache, syrah, et carignan et surtout grâce à un élevage sur bois neuf de 12 mois. Assez rond et long en bouche, c’est un vrai rosé axé sur la gastronomie.

Un premier coup de cœur à vous signaler : Easy Red, sorte de clairet entre le rosé et le rouge. D’une approche facile, d’une faible teneur en alcool, hyper fruité et frais, il est parfait à l’heure de l’apéritif. L’expression même du « vin de soif » dans ce qu’il y a de plus noble.

bouteilles

Trois blancs ont complété ma dégustation : All White 2012 (marsanne, roussanne et viognier), Crystal White 2011 (marsanne et roussanne) et Magic White 2011 (100% viognier). Là encore, j’ai été bluffé par la puissance aromatique, l’amplitude et la structure de la bouche. Deuxième coup de cœur avec Magic White, avec ses notes d’abricots, de pêches blanches, de verveine, et sa touche épicée. A l’aveugle, je l’aurai confondu avec un Condrieu (cru de la Vallée du Rhône nord). Tout sauf un hasard, il a été élu meilleur viognier de France et 8ème meilleur vin blanc de France, tous cépages confondus (Hors-série vins du magazine France Art de Vivre, octobre 2014).

Place aux rouges ! Les trois cuvées (Dandy Black 2011, Black Sublim 2011 et Absolu Black 2011) sont dotées d’une couleur incroyable. Elles impressionnent par leur finesse et leur richesse de constitution. Le premier Dandy Black (grenache et syrah) est assez souple, le second affiche un bel équilibre réussi entre fruits, acides et tanins intenses. Le dernier, Absolu Black, m’a scotché : toucher de bouche magique, arômes ébouriffants, tanicité subtile. Par excellence, le vin de garde à carafer. Mon troisième coup de cœur.

Tout au long de cette visite, j’ai vraiment eu le sentiment d’assister à la naissance d’un beau projet viticole à part. Les vins sont déjà grands. J’espère de tout cœur que ces jeunes Terres des Amoureuses parviendront à trouver leur public. Un grand merci à Christophe et Jean-Michel pour la gentillesse et la simplicité de leur accueil.

Quelques infos complémentaires :

Si vous êtes de passage dans le sud de l’Ardèche, n’hésitez pas à pousser les portes de cette soucoupe volante ! Comme avec moi, on prendra le temps de vous proposer un tour complet de la propriété avec à la clé, une belle séance de dégustation. Cinq chambres d’hôtes ouvriront prochainement pour une meilleure expérience oenotouristique. L’adresse précise : Domaine des Terres Amoureuses, Chemin de Vinsas, 07700 Bourg Saint Andéol.

En attendant, pour retrouver Terres des Amoureuses sur le web, c’est ici. Et par téléphone : 04 75 54 51 85.

A titre indicatif, voici les prix publics des vins dégustés. Pour les rosés : Loverose 2013 : 10,80€, Rosé Vintage 2012 : 20,90€. Pour Easy Red 2013 : 8,40€. Pour les blancs : All White 2013 : 16,70€, Crystal White 2011: 33,00€, Magic White 2011 : 53,00€. Pour les rouges : Dandy Black 2011 : 12,50€, Black Sublim 2011 : 28,00€, Absolu Black 2011: 48,00€.

5 Responses

  1. Laure-Marie Ducloy dit :

    Bel article, doté d’une belle prose et de détails intéressants! Bravo

  2. LE BARS dit :

    impressionnante cette analyse du domaine ; à découvrir surement ! la machine à vendanger
    tri baie… une découverte pour moi… l ‘OVNI a impressionné SEBASTIEN .. ça donne envie
    de visiter ce Vigneron . MLB

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